Manger sainement quand on s'expatrie en Afrique

Parce que le berceau de l'humanité renvoie l'image de ces marchés publics multicolores où on vient remplir son panier de fruits et légumes bio à moindre coût, mais aussi de ce repas traditionnel qui mijote depuis des heures dans une grosse marmite... on pourrait croire que manger sainement en Afrique c'est bien plus évident qu'ailleurs.

Et pourtant mon coco, la vrai vie ici, c'est pas un documentaire d'Arte, où le blanc affiche son inquiétude un sourire béat devant une préparation à base de légumes ou de racines concoctée par une grand mère du village!

Il semblerait qu'au niveau de l'alimentation, l'Afrique n'a pas un mais deux problèmes: Il y a celui de la malnutrition (pour les populations les plus fragiles) mais aussi de la malbouffe (pour les classes sociales plus élevées), et je t'invite à lire  cet article, qui explique très bien les  problèmes de surpoids en Afrique subsaharienne.

« les gouvernements africains de la dernière décennie qui ont été confrontés à la malnutrition, aux maladies infectieuses doivent maintenant combattre l’obésité et les maladies afférentes, le diabète les maladies cardio-vasculaires et l’hypertension, comme les pays riches » (slate Afrique- & Journal Cambridge) 

Ligne svelte et  alimentation "retour aux sources", pas vraiment la tendance en Afrique

• Manger "light", manger bio, être végétarien/végétalien ou suivre un régime sans gluten, sans sucre, sans sel, sans beurre, sans protéines, et sans je-ne-sais-quoi-d-autres, est loin de faire l'unanimité, parce qu'ici aucune catégorie d'aliment n'est diabolisée. (sauf s'il est question de religion, mais la on s'éloigne du sujet)
• En ce qui concerne le fait de  manger pour stabiliser son poids ou même maigrir, ça peut paraitre un peu bizarre dans un pays où la femme DOIT avoir des courbes. Bye bye les galettes de riz, les micro portions, et vive les plantains, les viandes en sauce et les assiettes bien remplies! Et pour aller plus loin encore en Afrique de l'ouest on dit que les rondeurs de la femme sont signes de richesse et de fertilité. 
• Pour ce qui est d'une alimentation plus "roots", le tout fait-maison, produits du potager, légumes de saison... ce n'est pas non plus vraiment la tendance en ville. Les gens s'inspirent du mode de vie occidental. Ils n'ont plus le temps de cuisiner ou du moins pas autant qu'avant, alors les aliments transformés, les plats tout prêts et les fast foods sont petit à petit rentrés dans les moeurs. Je me souviens lorsque je travaillais dans une école privée au Nigéria, j'étais surprise par le contenu des lunch box des enfants (destinés au gouter de 10h!!!): saucisses, chips, frites, pâtes baignant dans de l'huile de palme ect... la direction s'était vue obligée de demander régulièrement aux parents, de remplacer ces plats "lourds" par des fruits et des laitages. 

Dans les campagnes,  le poids de la tradition et peut être aussi le manque de moyen, pèsent sur les habitudes alimentaire, évitant ainsi de suivre le modèle occidental. Mais dans les villes, dont le développement économique n'est pas négligeable,  l'influence des occidentaux et la présence de nombreuses compagnies étrangères, ne font pas que du bien aux habitants:  produits industriels, produits surgelés, boîtes de conserve ect ect...

Et si on veut manger plus sainement alors?

Une offre non adaptée aux nouvelles exigences alimentaires

 Ces produits industriels importés ont un coût ( 2 à 3 fois plus élevés qu'en France), de ce fait, avoir un caddie bien rempli de toutes ces choses du monde occidental, est aussi un signe de réussite sociale, tout comme avoir son gros 4X4 qui vient tout droit des States.

Dans un tel contexte, c'est difficile de s'approvisionner en prenant en compte le rapport qualité/prix, sans se casser la tête. Les supermarchés ne sont pas aussi fournis qu'en France et il n'y a pas de magasins bio proposant des produits alternatifs pour les personnes qui souhaitent consommer "autrement". 

Bien sur grâce aux marchés publics, nous avons accès aux fruits et légumes locaux, qui sont d'ailleurs divins et à bon prix, il y a également le marché au poisson qui vaut le détour, mais pour le reste alors?

Et bien pour le reste, il faut faire preuve de patience et d'un peu d'imagination. Non seulement les prix frisent l'indécence, surtout dans les épiceries "de luxe" ou delicatessen, mais en plus si tu te mets à lire les étiquettes,  tes choix deviennent très limités.
Quant au  rayon bio du plus grand supermarché de la ville de Pointe Noire, il ne casse pas trois pattes à un canard. Peu de références, et on y trouve surtout des pseudo produits minceur qui font sourire: la pilule miracle qui va te donner un ventre plat, ou le biscuit au chocolat qui fait pas grossir. Manque plus que la tisane qui supprime les bourrelets et le compte est bon!


Et histoire de mettre un peu de piment dans nos vies, à Pointe Noire les magasins connaissent souvent des problèmes d'approvisionnement. Si t'as trouvé LE super produit, il se peut que durant les 3 semaines qui vont suivre tu ne le trouveras plus en rayon. Il faut donc avoir la patience de faire différents magasins pour remplir ton frigo et tes placards comme tu le souhaites, ou presque...

Concernant les végétariens/végétaliens... Quand on sait que pour trouver de la viande d'excellente qualité c'est parfois le parcours du combattant ( il faut  passer commande, ou faire ses courses au bon moment), on se doute que les bons produits qui se substituent à la viande, ne courent pas les rues...

1/Rien n'est impossible. 2/On s'adapte

Pourtant, on peut tout à fait avoir une bonne alimentation au Congo. Certes ce n'est pas aussi simple qu'en France, car nous n'avons pas tout à portée de main, mais avec de la volonté tout est possible!
Chacun à sa propre définition de "bien manger", et chacun à ses propres méthodes pour allier plaisir, santé et portefeuille, mais voici 4 principes que j'ai adoptés depuis la naissance de ma fille, afin de mieux manger, sans avoir un budget de multi-milliardaire:

• Produits trop chers? Et bien j'achète moins mais mieux, je mise sur la qualité et non pas la quantité. Exit les produits superflus et inutiles et surtout bourrés de cochonneries. On achète ce dont on a besoin, et non pas ce que le service marketing des géants de l'industrie alimentaire veulent me faire croire que j'ai besoin. J'ai aussi augmenté mon budget "produits du marché public", et diminué mon budget "produits du supermarché".

• Produits avec des ingrédients douteux ou de mauvaise qualité? Je privilégie le fait-maison, et comme je n'ai pas toujours le temps, il m'arrive de préparer des grosses quantités que je congèle par la suite. Je n'achète AUCUN plat tout fait.  Je fais aussi le pain moi même ( et sans machine à pain steuplait!). Je prépare 3 ou 4 pains, et je les conserve au congélateur, parce que tu te doutes que je vais pas faire du pain tous les jours... 

• Problème d'approvisionnement en magasin? J'anticipe. Par exemple il n'y a pas toujours de la farine à pain (ni même à gâteau) en rayon, alors quand j'en trouve c'est le jackpot je fais le plein (tout en poussant un rire diabolique pour narguer les autres clients). Bon comme je ne suis pas la seule à avoir cette idée, certains rayons à peine remplis se vident en quelques heures! Ouais on se marre à Ponton si si! Conclusion: Toujours faire ses courses au bon moment si on ne veut pas avoir l'air d'un con rentrer bredouille. 

• Tester de nouvelles recettes: Afin de profiter au maximum des fruits et légumes locaux (de saison!),  je teste des nouvelles recettes: Poulet à la mangue, gratin de patates douces, porc à l'ananas, feuille de manioc au lait de coco, brèdes sautés au wok ect ect...C'est bon, accessible,  et ça change de la salade de fruits exotiques! 

C'est un défi que de vivre en Afrique,  surtout quand on a un peu trop de principes. Il faut apprendre à être patient, mais surtout je pense qu'il faut avoir une certaine capacité d'adaptation, et un peu d'imagination pour contourner certains problèmes ou  habitudes. 

Je tiens tout de même à préciser que le vent semble être en train de tourner (doucement mais sûrement), en ce qui concerne les problèmes de surpoids liés à la malbouffe et à la surconsommation: Les clubs de gym sont particulièrement prisés par les locaux, des publicités locales dédiées aux programmes de remises en forme ou à la promotion d'une alimentation "healthy" circulent de plus en plus sur les réseaux sociaux (surtout à Lagos, Nigéria). L'éducation alimentaire est intégrée dans le programme de certaines écoles.

 Nous sommes bien loin du culte de la minceur qu'on retrouve en occident ( et tant mieux!) mais ici aussi, les gens se soucient de plus en plus de leur santé et de leur apparence. 
En espérant que cet engouement pour un mode de vie plus sain, puisse avoir un jour, un peu plus d'impact sur les références proposées dans les magasins...