lundi 7 juillet 2014

Vivre dans un pays à risque: Evolution du sentiment d'insécurité à Lagos:





Parce que j'ai reçu pas mal de messages inquiets demandant des renseignements complémentaires concernant l'insécurité à Lagos (cf cet article)  voici  un billet retraçant les évènements principaux aillant une répercussion sur le sentiment d'insécurité à  Lagos de 2011 à 2014
Cela vous permettra d'avoir une perception du pays, autre que celle des médias  pointant forcément du doigt  ce qui se passe dans le nord et dans le sud du pays, laissant planer le doute sur la situation dans la mégalopole nigériane. 

 Même si en 3 ans notre vie a été globalement (trop)  tranquille, la lagosphère à notre arrivée n'était pas vraiment la même que celle d'aujourd'hui. 



2011: L'année sereine 


 Durant cette première année d'expatriation, nul besoin d'escorte, même les deplacements en dehors de la ville se font sans policiers. Seuls certains endroits peu recommandés nécessitent la présence des mopols ( mobile police), toutefois nous ne faisons jamais appel à eux
Etre accompagnée de types armés me met mal à l'aise, alors nous sommes contents que les mesures de sécurités imposées par la compagnie de mon conjoint, ne soient pas aussi strictes que celles d'autres sociétés. 
Il y a des barrages de police,  principalement  sur les grands ronds points ou autres endroits stratégiques.
  Personne ne parle de Boko Haram ni d'attentats. Une année bien tranquille en somme. Nous vivons différemment mais sereinement. 



2012: L'année mouvementée


On réalise avec  la grève des subventions pétrolières que dans ce pays tout peut basculer du jour en lendemain. Durant une semaine  l'activité economique reste en stand by.  L'hyperactive lagos se transforme alors en une ville fantôme. 
En dehors du centre ville, Les manifestations sont violentes, mais nous savons qu'en restant à l'ecart nous ne risquons rien. 
Comme nous revenons de vacances, notre frigo et nos placards sont vides et on s'inquiète pour notre "survie" car on nous dit que la grève pourrait se prolonger. 
Nous réussissons grâce à une connaissance de l'amoureux, à faire ouvrir un supermarché rien que pour nous et 2 de ses collègues, afin de pouvoir nous approvisionner, en étant accompagnés d'hommes armés.
 Traverser une ville  complètement déserte, alors qu'habituellement dynamique et surchargée, restera un moment memorable mais aussi stressant! 

Apres plusieurs jours de négociations entre l'union des syndicats pétroliers nigérians et le président Goodluck Jonathan, la grève finit par être levée, pendant que plusieurs sociétés parlent de faire rapatrier ses expats. 
 Plus de peur que de mal. Cette même année nous entendons parler de kidnappings, mais concernant surtout les familles nigérianes fortunées.

Pas de quoi s'inquiéter outre mesure car  finalement ici à Lagos nous ne sommes la cible de personne. Malgré cela, nous sommes désormais obligés de faire les grands trajets avec une escorte armée.  




2013. L'année des attentats


 Boko Haram fait la une des medias, principalement avec l'enlèvement de la famille française Moulin-fournier au Cameroun. 
 Musulmans et chretiens se balancent des bombes en pleine face dans le nord du pays. Le sang coule au Nigéria, et les medias internationaux ne parlent que de ça, faisant grandir la psychose au sein des expats et des futurs expats. 

Mais à Lagos, les musulmans sont minoritaires. Femmes voilées et femmes en mini short cohabitent sans problème. La ville se développe à une vitesse incroyable, et le gouverneur fait bien comprendre au reste du pays que personne ne viendra deposer des bombes sur son territoire.
 Ici l'armée et la police font parti du decor. et sont respectées par la population. Pas d'inquiétude donc.

 On nous propose d'aménager une sorte de "safety room" dans notre compound, une pièce aux cloisons très épaisses, dans laquelle on installerait un téléphone satellite et des ecrans reliés aux caméras de surveillance, en cas d'attaque pour y attendre tranquillement l'arrivée de la police. 
Le scénario de dingue. Notre fille est à peine âgée de 5 ou 6 mois, et je n'ose imaginer si une telle situation devait se produire.

Finalement, plus personne ne reparlera de ce projet, et nous quittons le quartier des affaires, pour nous installer dans un quartier residentiel, au calme et au milieu de la verdure. 
Ce que je retiens de tout cela, c'est qu'on a beau vivre au Nigeria  ces histoires d'attentats et de menaces terroristes on ne le voit qu'a la TV, comme tout ceux qui vivent en metropole... 







2014: L'année des menaces


Boko Haram est de plus en plus présent dans les medias, notamment avec ce fait divers concernant l'enlèvement de plusieurs jeunes filles pour les convertir à l'Islam et les vendre en esclaves

Pour ceux qui ne connaissent pas l'episode #bring back our girls, voici un court résumé: Mi avril 2014 le groupe terroriste Boko Haram ( qui signifie: l'éducation occidental est un pêché) kidnappe plus de 200 étudiantes nigérianes,  dans le nord-est du pays, afin de les vendre au prix de 10 euros par fille car selon eux : leur vie ne vaut pas plus que ça...

L'information est rapidement relayée par les medias internationaux, et cette fameuse phrase " bring back our girls"// rendez nous nos filles, va faire le tour du monde et faire le "buzz" sur les réseaux sociaux notamment grâce aux personnalités telle que Michelle Obama.

Nous sommes horrifiés par ce fait divers, les nigerians aussi, car l'image de tout un pays est sali, et qu'eux même ont desormais une raison supplémentaire de craindre pour leur propre securité. 

 En tant qu'expat nous ne nous sentons pas vraiment visés, mais on comprend que Boko Haram ne semble avoir aucune limite et que l'Etat nigérian n'a pas l'air de vouloir prendre les mesures necessaires pour les éliminer. 
L'attentat d'Abuja (Capitale administrative du pays) il y a quelques jours, remue le couteau dans la plaie... Risquons nous de nous prendre une bombe sur la tête à Lagos? 

Du côté de Port Harcourt dans le sud du pays, le risque de kidnapping contre rançons visant les employés (expats ou locaux) des compagnies pétrolières est toujours aussi élevée que les années precedantes. 


Pendant ce temps à Lagos, même si il ne s'y passe pas grand chose,  les barages policiers sont plus nombreux. Les mesures de sécurités à l'aéroport international de Lagos sont presque surréalistes: des policiers, des militaires, et pleins d'autres uniformes inconnus au bataillon, sont postés tous les 2 mètres, et sont bien plus nombreux que les années précédentes.



via cocoafab.com

Et 2015 alors? L'année des élections présidentielles... 



Les expats dont la mission se termine cette année ont de quoi se sentir soulagés, car 2015 ne s'annonce pas folichonne avec les élections presidentielles. "L’élection présidentielle de 2015 au Nigeria pourrait sombrer dans le chaos si les "irrégularités" constatées dans une récente élection régionale ayant valeur de test se répètent à l’échelle du pays, estiment des responsables et militants politiques" [source: Afribone.com] 

 Pour les autres, c'est à dire ceux qui restent, et ceux qui arrivent,  il parait que les écoles feront en sorte que les vacances scolaires soient déplacées ou rallongées, pour permettre aux familles de rester en métropole pendant la période des elections. Affaire à suivre... 


Pour conclure, je dirais que oui effectivement tout donne à croire que le sentiment d'insécurité  grandit à Lagos, non pas à cause d'une menace concrète qui planerait au dessus de nos têtes, mais à cause de ce qui se passe dans les autres états du pays.

 Certaines compagnies étrangères ont renforcé leurs mesures de securités, et il semblerait que les visas soient un peu plus difficiles à obtenir
 Nous avons aussi depuis quelques mois un tracker dans notre voiture afin qu'on puisse nous localiser en cas de pepin.

Le gouverneur de  Lagos Babatunde Fashola, très populaire grâce à ses actions pour moderniser et securiser la ville, continue de mettre en place les moyens nécessaires pour que rien ne vienne perturber la croissance et le "calme" de cette mégalopole ambitieuse. Son mandat se terminera en 2015... en espérant que son successeur prendra également des décisions permettant aux nigérians mais aussi aux expatriés de la capitale economique, de ne pas vivre dans le chaos. 




6 commentaires:

  1. Assez flippant quand même d'imaginer une expatriation comme celle-ci... J'aime en tout cas ton côté objectif en toute circonstance... Et à travers ton blog j'ai découvert un pays que j'aimerai beaucoup visiter malgré tout...

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    1. Merci pour ton commentaire Gagou, il est clair que le pays n'envoie pas du rêve avec tout ce qu'on entend dire à son sujet, et honnêtement je ne ferai pas une année de plus ici même si j'ai un petit pincement au coeur en me disant qu'on part bientôt. D'un autre côté, je n'ai pas de regrets, on a beaucoup appris en vivant dans un pays comme celui ci, et les prochaines expatriations ne seront que meilleures ;-)

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  2. Ton témoignage est vraiment passionnant, c'est toujours très intéressant de lire les impressions réelles de ceux qui vivent vraiment sur place. ça permet de se rendre compte si la réalité est déformée par les médias ou non...
    Je vous trouve vraiment courageux, à votre place je crois que je serais une boule de nerfs permanente, c'est le genre de situation qui m'angoisse vraiment ! Il n'y a pas pire que le sentiment d'insécurité... Et pourtant à Paris je ne me sens pas spécialement en sécurité non plus (une bombe pourrait très bien exploser dans le métro par exemple) alors tout est relatif...Sans parler des agressions de rue qui sont devenues monnaie courante.

    Bon courage en tout cas et prenez soi de vous !

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    1. Merci Annouchka d'être passée par ici :-) en effet vu de l'intérieur ce n'est jamais pareil, même si les médias n'ont pas forcément torts, leur façon de traiter l'information donne à croire que le pays en entier ressemble à l'enfer sur terre! Et comme tu dis nous sommes en sécurité nulle part, d'ailleurs depuis quelques jours les médias parle de cette jeune fille violée en plein jour par 2 hommes dans un quartier tranquille, figures toi que c'est juste en bas de l'immeuble où je vivais quand j'étais en France. Quartier que j'avais justement choisi car je m'y pensais en sécurité!

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  3. Bonjour Fafa,

    je me plonge avec intérêt sur les articles de ton blog. En tant qu'enfant, j'ai suivi mes parents dans leurs nombreuses expatriations, et on a toujours regretté de ne pas s'être installés pendant quelques années dans un pays d'Afrique.
    Ton témoignage offre un point de vue que l'on ne lit jamais dans la presse.

    Je reviendrai!

    A bientôt,
    Aline

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  4. Bonjour Aline,

    Quel plaisir de te voir par ici et merci pour ton commentaire :-)
    Contente que ce billet t'ai plu, et effectivement le but était aussi d'offrir un point un petit peu diffèrent de celui des médias ;)

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